La migration, une chance pour la Suisse
Chères Vertes, Chers Verts,
Nous nous retrouvons à Brigue aujourd’hui. Ville témoin des échanges entre l’Italie et la Suisse. Vous êtes toutes et tous venu-e-s en train, je suppose ! Vous avez emprunté le tunnel du Simplon, ou celui du Lötschberg ? Ces deux ouvrages nous montrent la difficulté que la Suisse a à reconnaître la contribution de la migration pour notre société et pour notre prospérité.
Durant la construction du tunnel, un patron affirmait sans détour que « la construction de nos chemins de fer (…) aurait été presque impraticable sans le concours de l’ouvrier italien, plus résistant et plus docile que le Suisse. » Evidemment, ces ouvrages auraient été aussi beaucoup plus chers sans l’apport des ouvriers italiens, car les ouvriers suisses refusaient de travailler dans ces conditions. Et pouvaient se le permettre. En réalité, non seulement le salaire était misérable, mais les conditions de travail étaient aussi terribles. La température pouvait atteindre 45 degrés dans le tunnel creusé à la main. Les sources soit chaudes soit froides inondait régulièrement le tunnel. Dans le chantier du Lötschberg comme dans celui du Simplon, des dizaines de mineurs italiens ont perdu la vie.
Oui, la Suisse doit sa prospérité à la migration. Celle d’hier. Et celle d’aujourd’hui, qui continue d’assurer, en partie dans des conditions catastrophiques, que nos routes soient propres, que nos enfants, nos malades et nos aîné-e-s soient soigné-e-s.
Hier comme aujourd’hui, la Suisse se porte bien.
Chères Vertes, chers Verts, vous savez tout ça. Mais cela vaut la peine de rappeler ces liens régulièrement. Car ils sont vite oubliés dans le débat public. C’est aussi une question – tout vénalement – de profit et de privilèges. Et l’UDC ne cherche pas même à cacher ses contradictions. EMS Chemie recrute agressivement en Allemagne, faute de main d’œuvre qualifiée suffisante en Suisse. Pendant que Magdalena Martullo-Blocher, sa patronne, veut abolir la libre-circulation avec l’Union européenne. De la main d’œuvre, oui, mais sans liberté. Ni droits. Le PLR, auto-proclamé parti de l’économie et de la liberté, envisage même une taxe ultra-bureaucratique sur la migration.
Au-delà des déclarations choc, le PLR sait que la Suisse ne tourne pas sans migration. Il a donc décidé de s’attaquer aux plus faibles. De s’attaquer à celles et ceux qui n’ont pas de lobby économique pour les défendre. De s’attaquer à celles et ceux qui sont exclus de la forteresse Europe. Les sans papiers. Ou les demandeuses et demandeurs d’asile.
Plus rien n’arrête le PLR. Ni les droits humains, ni les Conventions de Genève, ni la Cour européenne des droits de l’homme. Désinhibé, décomplexé sur sa droite, il sacrifie les plus faibles pour légitimer la venue utilitaire des autres. Un seul exemple. Récent. Hier encore, les partis de droite ont décidé que les personnes qui s’opposent à leur renvoi doivent pouvoir être maîtrisées par l’administration forcée de médicaments.
Cela signifie une chose : la droite estime que l’on ne dispose pas des mêmes droits en fonction du titre de séjour. Cela signifie une deuxième chose : les droits humains universels sont frontalement attaqués. Cela signifie une troisième chose : tout le monde peut être concerné. Car tout le monde peut un jour être dans la minorité.
Face à ce déferlement, nous les Vertes et les Verts, nous parlons de la réalité. La migration est la réalité de la Suisse. Et elle enrichit la Suisse. Au propre et au figuré.
Face à ces injustices, nous les Vertes et les Verts, défendons les droits humains. En Suisse comme dans l’Union européenne, 2 pour mille de la population sont arrivés l’année dernière comme demandeuses et demandeurs d’asile. C’est 4 fois moins que les enfants nés en Suisse l’an dernier. Il n’y a pas trop de réfugié-e-s, mais pas assez de protection pour celles et ceux qui en ont besoin.
Chères Vertes, Chers Verts, ensemble nous combattons l’initiative isolationniste de l’UDC pour une Suisse à 10 millions d’habitantes et habitants. Et nous avons bien l’intention de gagner. Nous voulons ensemble vivre mieux. Et pour ça nous nous attaquons aux vraies injustices : le partage inéquitable de l’espace, des richesses et des chances. En Suisse et dans le monde. Le problème n’est pas la place, mais la manière dont elle est partagée.
Etre vent debout pour nos valeurs est plus important que jamais.
Donald Trump est de retour à la Maison blanche. Son rêve ? Devenir le shérif qui dicte seul les lois du monde. Dans l’intérêt des hommes les plus riches du monde, les oligarques de la tech’. Son plan ? Etablir l’extrême droite en Europe. Pour neutraliser l’Europe. Ses victimes directes ? Les personnes migrantes, les minorités et les femmes. Ses victimes indirectes ? L’environnement et les droits fondamentaux. Et évidemment les Ukrainien-ne-s et les Gazaouis. Notamment. Dans le plus pur esprit du maccarthisme, il impose son autorité : Des livres sont interdits. Des programmes de recherche supprimés. Les personnes trans’ sont expulsées de l’armée. Les femmes n’ont plus partout le droit à l’avortement.
C’est le moment de résister.
Je répète, Madame la Présidente de la Confédération : c’est le moment de défendre nos valeurs. De défendre la Suisse. Non, les attaques de J.D. Vance contre les démocraties européennes ne sont pas suisses. Non, nous ne voulons pas d’un rapprochement dangereux avec les Etats-Unis de Trump.
La Suisse doit arrêter de louvoyer. La Suisse doit se positionner. Avec l’Union européenne pour le droit international, la démocratie et les droits humains. C’est les conditions mêmes de l’existence de la Suisse qui sont remises en question. Un petit pays pauvre en ressources naturelles est dépendant du droit international. Et un des pays qui a le plus profité de la globalisation. Et de l’absence de règles globales pour protéger les gens et l’environnement.
On peut faire la même remarque concernant les grandes entreprises suisses à la UBS, Novartis ou Roche : profit, profit, profit. Et on ferme les yeux sur le reste. Trump dicte, et elles disposent. Trump dit : les personnes trans doivent disparaître et les grandes entreprises suisses biffent leurs programmes d’inclusion et diversité. Trump dit : femmes et égalités sont des mots problématiques, et les grandes entreprises adaptent leurs sites internet. Trump dit : drill, baby drill, et les grandes entreprises applaudissent à Davos.
Il ne s’agissait donc que de pink-washing. Il ne s’agissait donc que de green-washing.
Le profit à court-terme au-dessus des droits de toutes et tous a aussi des conséquences à court-terme. Et graves. Augmentation des violences, des discriminations et réduction des droits. Cela ne fait que confirmer que l’auto-régulation ne fonctionne pas. On ne peut pas compter sur l’économie pour plus d’éthique. Faute de quoi le droit du plus fort menace de s’établir à chaque changement de régime.
Il y a quinze ans, la droite vantait le libre-échange : grâce à lui, un vent de démocratisation et d’émancipation soufflerait sur le monde. Faux : le marché dérégulé n’a fait que renforcer les autocrates et dictateurs. Non, nous ne voulons pas d’accord de libre-échange avec les Etats-Unis, le Merscosur et la Chine. Nous voulons des échanges équitables avec des règles du jeu globales.
On dit que Trump a amené un désordre mondial. C’est faux. Le monde manquait cruellement de règles déjà avant l’arrivée de Trump.Ces dernières années, l’Union européenne a toutefois fait des progrès importants. Pour la neutralité climatique, la responsabilité des multinationales ou l’égalité salariale. La Suisse doit travailler avec elle pour un monde de chances et non de privilèges.
Contre les privilèges et l’inégalité des chances, des milliers de Serbes, de Géorgiennes et Géorgiens ou de Turques sont dans la rue. Avec une soif de justice. Justice sociale, climatique, globale. Le premier mandat de Trump a fait émerger des mouvements sociaux d’une ampleur inédite. Me too, grève du climat ou black lives matter. Mais les forces progressistes aux Etats-Unis sont encore dans un état de sidération. Nous pas. Nous sommes là et nous sommes mobilisé-e-s.
Car nous, Vertes et Verts, nous ne lâchons rien pour nos valeurs. Et nous sommes plus fortes et forts, ensemble.
Chères Vertes, Chers Verts, souvenez-vous de Kaiseraugst. Et de toutes les mobilisations contre le nucléaire. C’était vous, chères Vertes, chers Verts. Et la sortie du nucléaire, c’est encore vous. Et le tournant énergétique, c’est encore vous. Et le NON au retour du nucléaire, ce sera de nouveau vous ! Albert Rösti veut de nouvelles centrales nucléaires à Leibstadt et à Gösgen ? Mais pour cela, il faudra gagner contre nous. Car nous ne le laisserons pas revenir en arrière. Saboter la transition énergétique et compromettre les énergies renouvelables.
Le nucléaire, civil ou militaire, on n’en veut pas, on n’en veut pas, comme on le scandait dans les manifestations. Le nucléaire est dangereux, dépendant de l’uranium étranger et produit des déchets radioactifs pendant des centaines de milliers d’années. Le nucléaire est hors de prix, centralisé et pas flexible. Le nucléaire est incompatible avec le développement des énergies renouvelables. Pas de retour dans les années ’80. Le tournant énergétique, c’est une démocratisation de la production d’énergie, avec une relocalisation de la production et la création de places de travail durables.
Le tournant énergétique, c’est l’avenir.
Et puisque nous évoquons le conseiller fédéral Rösti : avez-vous lu l’interview qu’il a donnée cette semaine à la NZZ ? Il s’est plaint des attaques des Vertes. Nous détournerions les choses et propagerions des contre-vérités. Notre critique à la politique climatique du Conseil fédéral serait incompréhensible.
Je dois avouer que sa sensibilité m’a surprise. Est-ce que vous vous souvenez des élections de 2019? De l’affiche de l’UDC de l’époque? Et qui était président à l’époque? Le même Albert Rösti, qui reprochait alors à tous les partis à la gauche de l’UDC d’être des vers qui voulaient détruire la Suisse. Ce Monsieur Rösti nous reproche des critiques injustes?
Car nous réagissons, lorsque des décisions populaires en faveur du climat sont ignorées et détricotées? Parce que nous réagissons face à la proposition de supprimer le programme bâtiments? Parce que nous n’applaudissons pas, lorsque le Conseil fédéral veut simplement retirer de l’argent aux transports publics, comme aux trains de nuit?
Permettez-moi, Monsieur le Conseiller fédéral, d’affirmer que c’est un peu trop demander, d’attendre de nous que nous nous taisions! Si vous ne comprenez pas nos critiques: nous sommes à tout moment à dispotition pour une discussion ouverte sur la politique climatique du Conseil fédéral. Quand vous voulez, nous sommes là. Mais il doit s’agir d’un débat public. Yeux dans les yeux. Et pas d’une interview sans contradicteur. Nous, nous faisons de la politique avec des arguments, des convictions et de l’espoir!
Chères Vertes, Chers Verts,
Je suis fière d’être présidente d’un si beau parti. Ensemble, nous faisons de notre vision une réalité. Avec persévérance, ténacité et opiniâtreté. C’est comme cela que Brigitte Wolf, que le soleil brille, qu’il vente ou qu’il neige sur le Valais, se trouve devant vous avec des convictions intactes et l’engagement au cœur. C’est comme cela que Céline Vara est devenue Conseillère d’Etat le week-end dernier. Et c’est comme cela que nos idées sont fortes, chères Vertes, chers Verts.
Je suis fière de votre travail. Je suis fière de notre travail. On continue !