Lisa a participé le 19 mars 2022 au vernissage de l’exposition de photos organisée dans le cadre de la semaine Servette contre le racisme. Elle a été invitée à intervenir sur ce thème.
Merci à l’association Eric Roset photographe et au comité Genève Servette contre le racisme pour l’invitation, qui m’honore.
D’autant plus que j’habite à deux pas d’ici, à l’avenue Ernest-Pictet.
J’habite. Dans mon cas de figure, ce mot renvoie à cela :
Je fais le code d’entrée en bas de mon immeuble
Pénètre un bâtiment clos
Glisse la clé dans la serrure de ma porte d’entrée, la tourne, ouvre la porte
La referme derrière moi
C’est chez moi.
4 murs, un toit, ma bulle, privée, chaude et sûre. Avec des fenêtres sur l’extérieur, que je peux fermer ou ouvrir selon mon souhait.
A deux pas donc, une femme dit « Je rêve d’avoir un toit sur ma tête ». Elle est ici, sur une photographie.
Par ces images, elle prend la parole. Devient actrice de la ville, en raconte une facette. Sa facette, sa ville. Elle comme d’autres personnes roms à Genève, qui n’ont pas de toit au-dessus de leur tête. Qui vivent, habitent différemment. Dont les parcours ont un point commun : la précarité. Cette mauvaise compagne de route qui tend des pièges au quotidien, et qui apporte avec elle la stigmatisation et l’exclusion.
La pauvreté fait peur, la pauvreté déclenche parfois le rejet, parfois une charité condescendante. Entre discrimination et paternalisme, la pauvreté suscite des rapports de domination. Là où il faudrait du respect, de la curiosité face à l’autre et de la solidarité.
Les réponses politiques sont souvent le contraire.
L’interdiction de la mendicité en est l’exemple le plus consternant.
A la fois hypocrite, car interdire l’expression du dénuement sur l’espace public ne fait pas disparaître la précarité
Absurde, car elle crée une machine à gaz bureaucratique totalement inefficace,
Et pétrie de racisme institutionnalisé, car elle cible les populations roms et les rend criminelles.
La justice a tranché : cette interdiction est une atteinte aux droits humains protégés par la Convention européenne. Le droit à la vie privée comprend le droit de s’adresser à autrui pour en obtenir de l’aide.
Une condamnation en raison de violations des droits humains, c’est grave. Genève doit revoir cette politique.
Pourtant, la majorité politique persiste dans une interdiction qui a été jugée contraire aux droits humains. Et vient d’adopter une loi qui reprend la substance de la précédente.
Rendre visible, donner la parole.
Ce que fait cette exposition est plus nécessaire que jamais. Face à la précarité des populations roms présentes à Genève, la meilleure démarche est de se considérer d’égale à égale, d’associer les premières concernées à l’élaboration des réponses. Qui peuvent ainsi devenir réellement réponses. Sortir donc du statut de supériorité qui mène à la répression.
Ouvrir les portes. Donner accès. Accès au logement, accès au travail, accès aux prestations de l’Etat.
Ces mots résonnent d’une réalité différente aujourd’hui.
Cette position nous est connue.Face à la guerre d’agression que mène la Russie en Ukraine, face au drame d’un pays où les populations civiles sont ciblées, nous réagissons. Nous ouvrons nos frontières et nos portes, nous offrons une chambre, nous donnons accès au travail, nous intégrons, nous donnons une place.
Sur ce socle, nous avons l’opportunité de repenser notre attitude envers d’autres populations qui partagent notre ville. Sur ce socle, nous pouvons bâtir une nouvelle politique de vivre ensemble.
Je souhaite à la Servette une belle semaine de lutte contre le racisme.
Je souhaite à Genève et à la Suisse de diversifier les voix, les perspectives, pour avancer avec la réalité, dans le respect et la solidarité.
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