Cet article a été rédigé pour la chronique du journal Le Temps “Conférence de conciliation”, dont vous trouverez le lien ici.
«Une votation ne s’achète pas.» C’est la conclusion à laquelle aboutit un fin observateur de la politique autour d’un café. Tandis que je rejoins la gare de Berne, cette phrase dans la tête, deux drapeaux rouges me tapent dans l’œil, arborant leur croix blanche sur fond de montagnes immaculées. La céleste Suisse, sans trace d’humain ni de pollution, loin des fins de mois difficiles à boucler. Installée dans le train, j’ouvre le journal: rebelote, les deux drapeaux. A mon arrivée à Genève, le bleu et le jaune ont remplacé les couleurs patriotiques, mais le message que je retrouve dans ma boîte aux lettres reste inchangé. Et cette question: pourquoi diantre en dépenser autant, si l’argent n’apporte rien?
Les affiches, annonces et autres tous-ménages, une performance postmoderne d’occupation de l’espace public? Derrière les slogans tapageurs qui tapissent les rues, il y a souvent une machine, huilée et imposante. Stratégie, marketing, mobilisation et autres tentatives de placer ses idées dans les médias sont nécessaires dans une campagne. Et pas gratuits. Moins d’argent, c’est donc inexorablement moins de parole, ou plus de réactions que d’actions. Le débat public est organique, il se nourrit aussi de ce qu’on lui sert pour l’alimenter.
Au four et au moulin
Il est donc de ces campagnes où, à la direction d’un petit parti non gouvernemental pour le moins modeste, à force d’être au four des dossiers parlementaires et au moulin de l’organisation interne, on approche de la fin avec un sentiment d’inaccompli, de potentiel argumentatif inexploité. Tous ces textes qu’il aurait fallu écrire, ces scoops qu’il aurait fallu organiser. En classant le volumineux dossier sur lequel on a sué pour dompter intérêts notionnels et autres joyeusetés fiscales, on se console en se disant que rien n’est jamais perdu, à part la votation!
L’argent ne fait certainement pas le résultat d’un scrutin, mais il en fait la campagne. D’ailleurs, ce scrutin n’est-il pas qu’une histoire d’argent? Celui dont profiteront les entreprises qui jouiront d’une baisse massive d’impôts, pour 4,5 milliards. Certes, ce n’est pas à coups d’affiches qu’on convainc la population d’offrir un tel cadeau. Un geste pour l’AVS, en revanche, peut faire la différence. Cela se compte en milliards et pour le slogan, c’est bien meilleur. Le résultat d’un scrutin ne s’achète pas, vraiment?
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