De quoi s’agit-il ? Rappelez-vous, c’est une armée ne se fondant sur aucune base légale ni constitutionnelle, fonctionnant à l’insu du Conseil fédéral et sans contrôle parlementaire établi. Une armée qui avait pour mission de résister en cas d’occupation par le bloc Soviétique. Une armée qui n’excluait pas la possibilité « d’être aussi engagée en cas d’un renversement des rapports de forces advenu dans des formes démocratiques ».
Certainement certains d’entre vous en ont un souvenir intact. Pour ma part, je venais de naître alors que le scandale éclatait et n’ai découvert l’existence de cette armée secrète que récemment. C’est dire si le travail de transmission de l’histoire, y compris de ses côtés sombres, n’est pas abouti en Suisse. Se confronter à ces graves dérapages de l’histoire est essentiel pour apprendre de nos erreurs et transmettre aux générations suivantes la conscience des limites à ne pas franchir.
Une dérive anti-démocratique révélée dans la foulée du scandale des fiches, sur laquelle toute la lumière n’a pas encore été faite.
Plus inquiétant encore, la délégation des commissions de gestion du Conseil national a révélé que des documents confidentiels concernant l’armée secrète P-26 demeuraient introuvables.
Précisément, les « actes disparus » sont sept classeurs et 20 dossiers mentionnés dans le rapport Cornu, du nom du juge qui a réalisé l’enquête administrative destinée à établir la nature des relations entre l’organisation et des organisations analogues à l’étranger, soumise à un délai de protection de 50 ans. Cela signifie que des documents essentiels à la compréhension de notre histoire ont vraisemblablement ou jusqu’à nouvel ordre disparu. Ces documents ne se trouvaient pas aux archives fédérales, mais au DDPS, conservés par la Sécurité de l’information et des objets. Ce genre de documents devraient impérativement se trouver aux archives fédérales, et non au DDPS, ce que la délégation des commissions de gestion a d’ailleurs exigé.
Mais il est trop tard. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces 7 classeurs et 20 dossiers sont pour l’instant introuvables. Ce n’est pas une fine fourre qui s’est envolée, mais des documents volumineux qui avaient été conservés au DDPS justement en prétextant qu’ils étaient particulièrement sensibles. Pour les Verts, il est impératif que le DDPS mette tout en œuvre pour retrouver ces documents ou, à défaut, établir la manière dont ils ont disparu du radar ainsi que les responsabilités qui y sont liées.
Le rapport mentionne également une version caviardée du rapport Cornu, destiné aux médias de l’époque. Un document qui gît dans un dossier depuis 29 ans.
29 ans, presque mon âge. De l’eau a coulé sous les ponts, la guerre froide est terminée, la peur bleue du communisme aussi, les armées secrètes étrangères avec lesquelles la P-26 a collaboré n’existent plus et de nombreux documents ont été rendus publics par les Etats concernés.
Or, ici, en Suisse, le secret règne, comme si on ne parvenait pas à trouver un rapport apaisé à notre passé. En effet, suite à la demande de la délégation des commissions de gestion, le chef du DDPS a accepté de rendre accessible, à certaines conditions, cette version caviardée aux chercheurs.
Cette solution n’est pas suffisante. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire de garder un secret injustifié autour de ces documents et le délai de protection doit être levé sans délai. Non seulement la plupart des organisations de ce type avec lesquelles la Suisse a collaboré ont rendu publics de nombreux documents, mais la Suisse, comme pays neutre et particulièrement attachée à la démocratie, n’aurait du reste aucune raison de couvrir des éléments historiques concernant des actes illégaux à l’étranger.
Il est grand temps de rendre entièrement publics ces documents et accessibles à toutes et à tous dans leur version origniale. C’est l’objet d’une intervention parlementaire que je viens de déposer au parlement.
La guerre froide est derrière, la lumière est devant ! Enfin, alors que les membres de la P-26 ont été libérés de l’obligation de garder le secret, il est cohérent que le Conseil fédéral décide enfin cette publication, ceci d’autant plus que la publication du rapport original de Monsieur Cornu permettra sans doute d’obtenir de précieuses informations au sujet de ces actes disparus.
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