Cet article a été rédigé pour la chronique du journal Le Temps “Conférence de conciliation”, dont vous trouverez le lien ici.
«Vous n’avez pas de compte Twitter?» La question du journaliste qui réceptionne ma chronique est innocente. Il ne se doute pas que je dois répondre de ce choix à intervalles réguliers devant l’inquisitoire des Verts suisses. Ni que cette petite phrase, inépuisable boomerang, me revient toujours à la figure. Alors je me revois à 17 ans, le fracas de l’adolescence derrière moi, décider fièrement qu’après tout, le natel, j’en avais assez et que je vivais mieux libérée de ce cordon ombilical communicationnel.
Ma pathologie dans l’espace public…
Cinq ans durant, munie de mon carnet d’adresses et d’une carte téléphonique, je paradais, crânement inatteignable. Le diagnostic est donc d’autant plus tranchant lorsqu’il tombe une décennie plus tard: «Vous pourriez envisager de consulter un psychiatre spécialisé dans les comportements addictifs.» En acceptant de me prêter au photo-reportage-sympa-people de L’Illustré sur la relation au smartphone, je ne m’attendais pas à étaler ma pathologie sur l’espace public.
Pour tout dire, je m’attendais encore moins à être reconnue addict et surtout pas à l’être davantage que Darius Rochebin et bien d’autres, que j’ai d’ailleurs préféré suspecter d’avoir arrangé la réalité en remplissant le questionnaire. Parce que je n’appuie que des dizaines de fois par jour sur le gros bouton magique de mon téléphone qui fait instantanément apparaître la panoplie d’applications et leurs incroyables fonctions.
Pour procrastiner
Quand je suis à la tâche, cela relève évidemment du professionnalisme de consulter compulsivement les informations sur mon smartphone pour ne pas manquer le dernier scandale. Et devant le bourdonnement de la messagerie sur le groupe WhatsApp «direction de campagne» ou «Grüne Fraktion», je me dois de commenter, d’intervenir. Il faut l’avouer, le smartphone est ma meilleure échappatoire à l’efficacité, mon péché mignon pour procrastiner, il exacerbe l’impatience de ma curiosité et titille mon besoin de contrôle.
A chacun ses faiblesses, ses no man’s lands de la maîtrise de soi. Alors non, tant pis pour les médias, le «contact direct» numérique, la campagne électorale. Au diable ma réputation de ringarde et les préjugés anti-technologiques qui me collent à la peau en bonne écologiste. Consommer des réseaux sociaux, c’est encore non. Pour ne pas me faire totalement consumer.
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