Chaque mois, on dépense en Suisse des sommes considérables afin de s’acquitter de son loyer. Ces dépenses sont en moyenne le poste le plus élevé du budget des ménages. Et cela ne va pas changer de sitôt, puisque les loyers à la relocation ont grimpé de plus de 30% ces dix dernières années, tandis que près de la moitié des loyers augmente lors du changement de locataire. Après le refus par le Conseil national d’entrer en matière sur une modification du droit du bail, on peut craindre que la situation ne continue de se détériorer, alors que le marché du logement est extrêmement tendu.
Pour répondre à son mandat constitutionnel, qui stipule à l’article 109 alinéa 1 que « la Confédération légifère afin de lutter contre les abus en matière de bail à loyer, notamment les loyers abusifs », le Conseil fédéral a soumis au parlement cette modification du droit du bail, qui n’est qu’une menue proposition visant la transparence et l’uniformisation des pratiques dans l’ensemble de la Suisse, afin d’assurer une égalité de traitement.
Ce projet visait à introduire la formule officielle lors du changement de locataire. Ce document informe sur le montant du loyer précédent, justifie une éventuelle augmentation et indique les possibilités de recours. Elle donne donc au locataire les moyens d’évaluer la situation et de connaître ses droits. Rappelons que le montant du loyer peut être contesté dans les 30 jours si le locataire a été contraint de conclure le bail par nécessité ou en raison de la situation sur le marché local, ou si le bailleur a sensiblement augmenté le loyer initial par rapport au loyer précédent, sans apporter des améliorations à l’appartement en question.
Aujourd’hui, 45% des contrats de bail sont soumis à la formule officielle, qui est appliquée avec succès dans les cantons de Nidwald, de Zoug, de Fribourg, de Vaud, de Neuchâtel, de Genève et de Zurich. L’objectif du projet présenté par le Conseil fédéral était de l’étendre à l’ensemble des cantons et de ne plus la faire dépendre d’une situation de pénurie.
La transparence est bénéfique à tout le monde. Elle améliore les rapports entre bâilleurs et locataires, réduit la suspicion et favorise une meilleure lisibilité du marché du logement. Cette modification aurait donc constitué un premier pas essentiel, qui aurait pu avoir un léger effet sur les prix, notamment en dissuadant les bâilleurs d’introduire des augmentations pharaoniques de loyer au changement de locataire.
Dans le droit actuel, le bailleur a certes l’obligation de renseigner le locataire sur le montant du loyer précédent, mais seulement si ce dernier en fait la demande. Une demande difficile à formuler par un locataire qui se sent, à juste titre, en position de faiblesse.
Prétextant des tracasseries administratives, la majorité bourgeoise du Conseil national a balayé ce projet et est passée à côté de l’occasion fournie par le Conseil fédéral de faire la lumière sur le marché du logement. Quant à l’avalanche de travail administratif, rappelons que la formule officielle se serait limitée à un formulaire informatique rempli en trois clics et aussitôt imprimé. D’ailleurs elle concerne d’ores et déjà près de la moitié des baux du pays, sans que les régies aient mis la clé sous la porte en raison de frais excessifs ! Cette modification était pourtant largement soutenue, par l’Asloca évidemment, mais aussi par la Fédération romande des consommateurs, Habitat durable et même, dans le cadre de la consultation, par les partis du centre.
Enfin, parmi les 30 000 litiges portés en commission de conciliation chaque année, seuls 3% concernent des contestations de loyer initial. Dans la plupart des cas, on s’entend en effet avant d’aller en audience de conciliation, et c’est l’objectif.
Une fois de plus, le virage à droite se manifeste au sein du parlement, non seulement sur les décisions prises, mais aussi sur les tendances au sein des différents partis, aimantés par la droite conservatrice.
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