[version en allemand plus bas, traduite du français et légèrement raccourcie]
Je remercie très chaleureusement le comité d’organisation de la fête d’Unspunnen.
Un comité dont l’ouverture d’esprit n’est pas à démontrer, puisqu’il invite une Romande, qui plus est une Genevoise, pour prendre la parole devant vous. Voici l’esprit d’Unspunnen : accueillir la diversité, entremêler les extrêmes ! C’est un grand honneur pour moi de partager avec vous ce moment rare.
Un lac et des montagnes, ce sont les deux ingrédients géographiques de la Suisse, qu’on peut servir à toutes les sauces. Mais au-delà des pierres et de l’eau, y a-t-il d’autres points communs entre la région genevoise qui est la mienne et l’Oberland bernois ? Certainement ! Dans mes contrées éloignées, entourées par la France, on se réunit aussi pour une joyeuse fête populaire. On y commémore les exploits des valeureux Genevois et en particulier d’une femme au caractère bien trempé qui renversa sa soupe brûlante sur un assaillant savoyard. Elle s’appelait la mère Royaume, du nom de son mari français, et a instauré la tradition gourmande de la marmite au chocolat, qu’on casse puis dévore tous les 12 décembre. Vous connaissiez cette histoire ? Non ? Je vous invite volontiers à Genève à mon tour, sortez vos agendas !
Eh bien, personnellement, j’ai une confession à vous faire, mais cela reste entre nous : je n’avais jamais entendu parler de l’Unspunnenfest avant cette année.
C’est cela la Suisse : un joyeux agglomérat d’éléments épars. Les communes se collent les unes aux autres pour former des cantons qui, à leur tour, se rejoignent pour former un pays. Comme une boule à facettes, la Suisse scintille, elle se joue des catégories. Ses identités multiples nous font valser et ne se laissent jamais enfermer. Et comme une boule à facettes, qui darde ses couleurs, il y a un noyau auquel nous sommes tous collés. Combien y a-t-il de Suisse ? Je ne pourrais les compter. Ce qui est sûr, c’est qu’à Interlaken, ma curiosité est comblée et je me sens réellement touriste. Je me réjouis des exploits sportifs, de découvrir ce folklore lointain et de partager la convivialité en suisse-allemand.
Unifier des réalités et des intérêts différents, c’était l’objectif premier de la fête d’Unspunnen. Cimenter la ville et la campagne, pour construire la paix dans une communauté de destin. Les clivages sont nombreux en Suisse. Quand on regarde les cartes des résultats des votations populaires, le fossé entre villes et campagnes se creuse régulièrement, quand ce n’est pas la barrière de röstis qui apparaît. Les traditions, qu’est-ce que c’est ? Un récit, une histoire qu’on partage, pour se rapprocher.
Et pourtant… loin de se regarder le nombril, la fête d’Unspunnen s’est dès son origine ouverte sur l’extérieur, l’étranger. Elle a participé à l’invention du tourisme suisse, en attirant des spectateurs lointains. Elle aspire aujourd’hui à être reconnue par l’Unesco. Des traditions, oui, mais qui s’inscrivent dans un contexte international. Depuis lors, le Suisse n’a pas fait autre chose que de cultiver l’attrait que ses montagnes ont à l’étranger, comme on le constate en se baladant dans les rues d’Interlaken. Le folklore n’existe qu’à l’aune de la différence ! Sans l’autre qui nous regarde, il est impossible d’éclairer nos contours.
Mais nos traditions ne doivent pas devenir comme la pierre d’Unspunnen : lourdes ! Faute de quoi nous risquons de couler. Alors, quand on nous annonce que dans vingt ans, la moitié de la population suisse en droit de voter sera âgée de 60 ans et plus, permettez-moi de m’inquiéter. On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, disait le philosophe grec Héraclite. De la même manière, la culture est en mouvement, en ébullition. Les traditions ne demandent qu’à être réinventées. Qui va donc réussir à secouer notre Suisse ? A faire rouler cette pierre, pour qu’elle avance enfin, qu’elle se transforme ? Il nous faut de la force et de la créativité. La jeunesse n’est pas un groupe homogène, loin de là. D’ailleurs, je ne suis pas la voix des jeunes. Pourtant, je crois que c’est notre rôle, dans toute notre diversité, en tant que jeunes, de déplacer cette pierre, qui a déjà tant vécu, ou plutôt dont les précécesseuses ont tant vécu. Réinvestir nos traditions pour les épicer au goût du jour et du lendemain. Quand les racines sont solidement attachées, les branches peuvent pousser, s’ouvrir et s’épanouir vers l’extérieur. La Suisse est bien assez solide pour s’ouvrir, partager avec l’étranger et convoquer les valeurs fédératrices de l’Unspunnenfest : le partage, la solidarité.
Et comme jeune, j’ai une proposition : pourquoi ne mettrions-nous pas notre grain de sel en féminisant un peu cette fête traditionnelle ? Nos grands-mères ont acquis le droit de vote, il serait temps qu’on puisse faire de la lutte sous le feu des mêmes projecteurs ! Il serait aussi temps, d’ailleurs, qu’on investisse les podiums pour faire des discours. Aujourd’hui, c’est moi, je compte bien que demain ce soit vous. Ici, et au parlement.
Comme disait Germaine de Staël, pionnière du féminisme et parmi les premières visiteuses de l’Unspunnen fest : « La vie coule dans ces vallées comme les rivières qui les traversent. Ce sont des ondes nouvelles, mais qui suivent le même cours. »
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Liebe Unspunnenfestfreundinnen und -freunde
Zunächst möchte ich dem Organisationskomitee des Unspunnenfests ganz herzlich danken.
Ein Komitee, dessen Aufgeschlossenheit nachgewiesen ist – denn es hat immerhin mich, eine Welsche, ja sogar eine Genferin eingeladen, vor Ihnen zu sprechen. Das ist der Geist des Unspunnenfests: Die Vielfalt vereinen und die Extreme zusammenführen! Es ist mir eine grosse Ehre, mit Ihnen diesen aussergewöhnlichen Moment zu teilen.
Auch, weil er sich an diesem prächtigen Flecken Erde ereignet. Zwischen Bergen und Seen, wie wir sie auch am Genfersee haben. Mitten in der Postkartenschweiz.
Aber es gibt noch weitere Gemeinsamkeiten zwischen meiner Heimatregion und dem Berner Oberland. Auch in Genf treffen wir uns zu einem fröhlichen Volksfest, die Escalade am zwölften Dezember. Est-ce que vous connaissez la fête de l’Escalade ? Oder kennen Sie die Feier nicht? Ich lade Sie im Gegenzug gern nach Genf ein, notieren Sie sich das Datum!
Allerdings muss ich Ihnen etwas gestehen – aber das bleibt unter uns? Bis zu diesem Jahr hatte ich noch nie vom Unspunnenfest gehört.
Das ist die Schweiz: eine unüberschaubare Vielfalt auf kleinstem Raum. Die Gemeinden verbinden sich zu Kantonen, die wiederum das ganze Land bilden. Die Schweiz glitzert wie eine Disco-Kugel. Und wie bei dieser Disco-Kugel, gibt es einen zentralen Kern, um den wir alle drehen.
Ich fühle mich hier in Interlaken ein wenig wie eine Touristin. Ich freue mich darauf, die sportlichen Wettkämpfe und die langjährige Folklore kennenzulernen und Teil der Deutschschweizer Geselligkeit zu sein.
Ziel des ersten Unspunnenfests war es, die ganz unterschiedlichen Realitäten und Interessen zu vereinen. Stadt und Land zusammenzukitten, um in der Schicksalsgemeinschaft für Frieden zu sorgen. Auch heute gibt es Gräben in der Schweiz. Man sieht es zum Beispiel bei Volksabstimmungen. Und ich gebe zu, dass es mich beunruhigt, wenn ich mir vorstelle, dass in 20 Jahren die Hälfte der Schweizer Stimmberechtigten über 60 Jahre alt sein wird. Hier aber zeigt sich der Wert unserer Traditionen. Dank ihnen rücken wir näher zusammen. Sie sind die Brücken, die uns die Gräben überwinden lassen.
Das Unspunnenfest war immer offen für Neues und Fremdes. Durch die Besucher, die das Spektakel erleben wollen, hat es zum Entstehen des Tourismus in der Schweiz beigetragen. Heute würden wir das Fest gern als Weltkulturerbe von der UNESCO anerkannt sehen. Traditionen, ja, aber immer auch im internationalen Kontext. Le folklore existe seulement à travers le regard de l’autre.
Aber unsere Traditionen dürfen nicht werden wie ein Unspunnenstein. Damit meine ich: schwer und kalt. Nein, wir müssen sie immer wieder neu entdecken und erfinden. Zum Leben erwecken.
Dazu benötigen wir Kraft und Kreativität. Ich glaube, dass wir Jungen diesen Stein, der schon so viel erlebt hat – oder besser: dessen Vorgänger schon so viel erlebt haben, auf ein Neues ins Rollen bringen müssen. Lassen wir die verbindenden Werte des Unspunnenfests aufleben!
Und als junge Schweizerin habe ich dafür einen Vorschlag: Warum bringen wir nicht etwas Würze ein, indem wir dieses Traditionsfest mit weiteren femininen Noten versehen? Unsere Grossmütter erlangten das Stimmrecht. Die Zeit ist reif, im gleichen Rampenlicht zu schwingen.
Immerhin gibt es ja – wie ich erfahren durfte – bei der Schweizermeisterschaft im Steinstossen nächste Woche eine Frauenkategorie – und der Eidgenössische Frauenschwingverband hat auch schon ein paar Jahre auf dem Buckel!
Chers amis de la fête d’Unspunnen, ich wünsche Ihnen ein wunderbares Unspunnenfest, spannende Kämpfe und kultur-übergreifende Begegnungen.
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