Je défends la libre circulation des personnes. Je défends la recherche et la mobilité des étudiants, les apprentis comme les universitaires. Je défends la culture et son émulation au-delà des frontières. Tous ces échanges sont le ciment de notre société et le poumon de notre quotidien.
Le passé mystifié du temps où la libre circulation des personnes n’existait pas est un horizon qui fait froid dans le dos. En 1990, on comptait entre 120’000 et 180’000 personnes qui travaillaient au noir. En ce temps-là, la pression sur les salaires était massive, puisque les saisonniers gagnaient, en 1996, près de 14% de moins que les Suisses, ce qui mettait tous les salaires sous pression.
Avec les accords bilatéraux, nous avons acquis des libertés. Mais ce qui est essentiel, c’est que ces libertés sont réciproques. Ce qui a été acquis aussi, ce sont des droits. Tous les Suisses sans passeport, toutes les personnes qui ne possèdent pas le sésame à croix blanche, qui ont construit notre pays, nos infrastructures, qui alimentent notre AVS, nos échanges, notre identité multiple, ont acquis des droits. L’ALCP garantit l’égalité des droits des personnes résidant en Suisse, qu’ils soient Suisses ou originaires d’un pays européen.
L’accord sur la libre circulation est assorti de mesures d’accompagnement. Elles ont permis de mieux contrôler le marché du travail, c’est un premier pas. Mais elles devraient encore être étendues. Les ancrer dans la Constitution, cela signifie reconnaître le besoin de protection des travailleuses et des travailleurs, de lutter contre le travail au noir, de refuser des conditions de travail indécentes. C’est aussi reconnaître le besoin d’une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Nous avons fait un pas, mais nous avons encore du chemin à faire. Les êtres humains ne sont pas un facteur de production qu’on utilise et qu’on presse. L’économie doit être au service des humains, quels que soient leurs origines. C’est pourquoi nous revendiquons aujourd’hui d’ancrer les mesures d’accompagnement par le biais d’un contreprojet à l’initiative RASA, tout en retirant les contingents.
Il n’existe pas de sous-initiative. Il n’existe pas de sous-signature citoyenne. Que nous trouvions cette initiative politiquement légitime n’est pas la question. Dès lors que 100’000 signatures valables ont été déposées auprès de notre Chancellerie pour demander à nos chambres et, au bout de la chaîne, à la population, de se prononcer sur un texte, nous devons nous pencher sur cette proposition avec sérieux. C’est un principe de base pour les amoureux de la démocratie directe, les épris du vote populaire et autres férus de droits populaires. Que nous sommes toutes et tous, dans ce parlement.
Oui, ce texte propose purement et simplement l’abrogation d’une décision populaire arrachée à une courte majorité. C’est l’équivalent de la population de Carouge qui a fait la différence ce 9 février 2014. A ceci près que la ville de Carouge a refusé ce texte, à l’image de toutes les autres communes genevoises. A l’image de tous les autres cantons romands aussi. Mais une voix est une voix, une signature est une signature. De la même manière que, le 9 février 2014, nous avons pris acte de l’acceptation de l’initiative sur l’immigration de masse, aujourd’hui nous devons prendre acte de la demande démocratique de biffer le contenu introduit dans notre Constitution à l’article 121a il y a trois ans. Ce ne sera pas la première fois que le peuple votera une nouvelle fois sur le même objet.
Les rouages de notre démocratie se grippent lorsqu’une initiative populaire soumise au verdict des urnes entre en conflit direct avec des traités internationaux plébiscités à de nombreuses reprises par les citoyennes et citoyens. Des votations sur les accords bilatéraux, il y en a eu ! Depuis 2000, 5 votations approuvées par la population. Heureusement, le parlement a pris ses responsabilités et proposé une loi d’application euro-compatible, comme l’avaient demandé les Verts dès le soir du résultat. Les bilatérales sont donc préservées. Reste toutefois une anomalie juridique. Un article constitutionnel qui pourrait devenir une bombe à retardement. Conflit de normes, puisque le contingentement et les plafonds des autorisations de séjour restent inscrits dans notre Constitution, bien qu’ils n’aient pas été repris par la loi d’application. La loi d’application qui propose une préférence indigène favorisant les résidents suisses sur le marché de l’emploi. Un contentieux en puissance avec l’Union européenne.
Qu’on soit clairs : l’acceptation de cette initiative ne signifie pas l’abandon de cette loi d’application. Les Verts défendent une Suisse ouverte et solidaire. C’est pourquoi nous avions refusé l’initiative complaisante de l’UDC en 2014. Aujourd’hui, je suis cohérente. Je dirai oui à l’initiative RASA.
[Discours prononcé à la tribune du Conseil national le 19 septembre 2017. Voir la vidéo de l’intervention ici]
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