Lisa est intervenue dans le cadre de la conférence de presse du comité référendaire genevois du 21 mars 2022 contre l’augmentation du financement de l’agence Frontex.
Au moins quelque 20’000 personnes sont mortes en Méditerranée centrale ces huit dernières années. Au fond de la mer, à côté de ces vies, gisent nos valeurs et notre responsabilité historique. L’agence Frontex, en militarisant les frontières et criminalisant la migration, se rend complice de ces drames. Pire, elle a procédé à des refoulements illégaux et les preuves s’accumulent pour montrer que l’agence livre les données de surveillance aérienne servant à repérer les embarcations en détresse non pas aux bateaux les plus proches, mais aux gardes-côtes libyens. Ces derniers interceptent les embarcations et renvoient les migrantes et migrants en enfer. Des dizaines de milliers de migrantes et migrants, chaque année, retournent ainsi vers l’horreur libyen après avoir pris la mer, où les meurtres, l’esclavage, la torture, les emprisonnements, les viols ou les disparitions forcées font dire à la mission d’enquête de l’ONU qu’il existe des motifs raisonnables de croire que les violences perpétrées à l’encontre des personnes migrantes dans les prisons libyennes pourraient constituer un crime contre l’humanité.
Crime contre l’humanité.
Nos valeurs exigent d’y mettre fin et, au nom des droits humains, de sauver les personnes qui le subissent.
Mais la procédure d’asile suisse se caractérise par un cynisme déconcertant. Le droit d’asile garanti par les Conventions internationales ne peut s’exercer qu’une fois les réfugié-e-s arrivé-e-s sur notre territoire. Avec la suppression de la possibilité de demander l’asile dans les ambassades, on a fait de la route migratoire la première étape de notre droit d’asile. Route migratoire éminemment dangereuse, au cours de laquelle les violences, notamment sexuelles, sont légion et où l’on peut y laisser sa vie. Un processus de sélection arbitraire et cruel que la majorité choisit pour – ce sont ses termes – éviter l’appel d’air. Cette position rend la Suisse complice des drames qui surviennent, car elle consolide la forteresse Europe et souhaite maintenant quadrupler sa contribution à l’agence Frontex, pourtant sous le feu des critiques du parlement européen.
La Suisse doit assumer sa responsabilité historique et agir pour que la Méditerranée redeviennent un lieu d’échange et de collaboration, plutôt qu’un cimetière. Elle doit le faire en créant des voies légales de migration. La première étape de la procédure d’asile ne doit plus représenter un danger mortel. Il s’agit pour la Suisse de réintroduire la possibilité de déposer une demande d’asile dans les ambassades et d’élargir l’octroi des visas humanitaires, aujourd’hui distribués au compte-goutte et dans un manque de transparence problématique, comme de nombreuses Afghanes et de nombreux Afghans en ont fait récemment la triste expérience. Ces deux mesures permettent de donner aux réfugié-e-s les moyens d’exercer leur droit d’asile. En plus de celles-ci, la Suisse doit accueillir un grand nombre de réfugié-e-s qui demeurent dans des camps, dans le cadre du programme de l’UNHCR. Enfin, la Suisse doit assumer sa responsabilité européenne, en tant que pays prospère, et accueillir davantage de migrantes et migrants qui arrivent dans les pays limitrophes, comme en Grèce ou en Italie, en prenant également en compte les liens familiaux étendus de ces personnes et leur bagage, notamment linguistique. Cette base solidaire est la seule viable pour une politique migratoire commune au sein de l’Europe. Ainsi, plutôt que d’interdire aux villes qui le souhaitent de faire acte de solidarité, la Confédération devrait leur permettre d’accueillir des contingents supplémentaires, comme en appellent notamment Genève, Vernier, Berne ou Zurich.
La Suisse doit enfin créer un délit pénal, dans son corpus légal, réprimant les pushbacks.
L’ouverture de nos frontières et de nos appartements face à la fuite de millions de personnes suite à la guerre d’agression de la Russie en Ukraine démontre une chose : la population est solidaire et prête à accueillir les personnes en fuite. Sur ce socle, nous pouvons construire une nouvelle politique migratoire, en Suisse et en Europe. Ce référendum est une occasion unique d’appuyer les critiques présentes au sein de l’Europe sur l’agence Frontex pour poser les bases d’un accueil responsable et humain.
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