Cet article a été rédigé pour la chronique du journal Le Temps “Conférence de conciliation”, dont vous trouverez le lien ici.
S’il y a un domaine qui résiste encore et toujours au législateur, c’est bien celui qui le concerne au premier plan: la politique elle-même, de son financement au lobbyisme qui l’entoure. Usine à gaz ou lubie dispendieuse, voilà les qualificatifs réservés aux propositions visant à faire la lumière sur les coulisses du parlement.
Pourtant, légiférer, on sait faire, c’est d’ailleurs ce à quoi on s’attelle toute la journée à Berne. Mais les irréductibles parlementaires le martèlent sous la Coupole: intérêts obscurs et influence? Que nenni, rien qu’une politique de milice, d’une taille attendrissante et d’une fière humilité. Donc surtout, ne touchons à rien, ou l’administration risque d’imploser.
«Caramba, encore raté!»
Alors quand la majorité bourgeoise du Conseil national presse massivement sur le bouton rouge pour mettre K.-O. une énième tentative d’apporter un peu de transparence sur les pratiques des lobbyistes, on s’exclame: «Caramba, encore raté!» Car ce n’est pas faute d’essayer! Même les tentatives effectuées par l’un ou l’autre bourgeois solitaire ne trouvent pas grâce aux yeux de leurs pairs, ni celles, dites «raisonnables», réduites à la portion congrue.
Il en est ainsi de l’initiative parlementaire Berberat, qui souhaitait que les lobbyistes disposant d’un accès au Palais fédéral dévoilent leurs clients s’ils travaillent pour des agences servant d’intermédiaires. Ils auraient été ainsi au même régime de transparence que le WWF ou Economiesuisse, lorsqu’ils reçoivent le sésame d’un élu pour flâner dans les couloirs fermés au public.
Un petit pas, un pas de côté…
Superflu, rétorque la majorité. Florilège d’arguments: les lobbyistes nous expliquent des aspects des dossiers que nous ne comprenons pas, mais ne nous influencent en aucun cas; le lobbyisme se déroule en dehors du parlement; et, surtout, n’institutionnalisons pas le lobbyisme! Conclusion: la nuée de lobbyistes butinant dans la salle des pas perdus passe son temps à le perdre et leurs clients à jeter leur argent par les fenêtres; une explication de texte n’a jamais d’impact sur sa compréhension, que les exégètes se cherchent un autre métier; et, surtout, ne pas encadrer le lobbyisme le fait disparaître.
Certes, cette proposition n’était qu’un petit pas, un pas de côté. Mais le signal de la majorité de droite n’en est pas moins clair: sous le tapis, la poussière n’est jamais un problème.
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