Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, on m’a demandé de ne pas parler de tout ce qui ne tourne pas rond, de ne pas dénoncer les inégalités, les injustices, de ne pas parler de l’effroi à l’écoute du populisme déviant dont était façonné le discours que nous avons entendu hier, de ne pas parler de la boule au ventre que l’on ressent à chaque fois qu’on lit qu’une fois encore, la mer Méditerranée a avalé des personnes dont on ne connaîtra jamais les noms, de ne pas parler de la colère quand les frontières rigides de nos Etats séparent des proches ou quand la Suisse expulse à qui mieux-mieux, de ne pas parler non plus de l’impuissance face à ce mur administratif qu’on nous oppose, glacial, qui arrête là toute perspective d’avenir, de ne pas parler de la peur face à cette planète que nous n’écoutons pas, ne ressentons pas, continuant de la réchauffer et de la rendre hostile à notre présence, de ne pas parler du dépit, enfin, devant la consommation effrénée qui assèche nos ressources et impacts la santé et le cadre de vie d’autres populations, ni de la tristesse lorsque l’économie est brandie, telle une déesse inaccessible, pour justifier des atteintes aux droits humains et à l’environnement.
Donc, aujourd’hui, on m’a demandé de ne pas parler de tout ça, mais de donner de l’espoir.
C’est si rare que d’abord les mots m’ont manqué ou se sont détournés.
Pourtant, c’est justement ce dont nous avons besoin, de mots mis bout à bout pour former un récit qui nous porte vers l’avant et nous fait marcher, aujourd’hui. A côté des faits, il nous faut un horizon, une vision. Pas de post-réalité parsemée de mots creux dans un décor de Las Vegas, mais un récit commun né du plaisir d’être ensemble, avec nos différences et notre diversité, de se sentir unies tout autour de la planète, de croire que nous pouvons créer d’autres rapports, justes et solidaires et de la certitude que nous ne serons jamais seules pour faire rempart à toute attaque contre nos droits et notre environnement.
Un récit d’espoir dynamique, en mouvement, qui déjoue les codes traditionnels de domination et de violence, qui redistribue les ressources et préserve notre planète.
En lisant la déclaration d’intention de la marche du jour, il était clair pour moi que revendiquer, c’est construire, construire l’édifice de nos droits, rassembler toutes les pierres et les pavés pour le solidifier et garantir partout les droits des femmes en tant qu’êtres humains, comme les droits de tous les êtres humains, quels qu’ils soient et où qu’ils soient.
Les alternatives existent localement, on les déniche un peu partout. Elles sont le fruit de ces collaborations, de ces rassemblements d’individus – comme aujourd’hui, des envies de changement et de l’espoir. C’est sur elles que nous pouvons nous appuyer pour développer cet autre monde possible – car il est possible et si nous sommes réunies ici, c’est que nous en sommes persuadées – en y apportant notre énergie, en les faisant grandir, en les faisant vivre.
Ensemble, nous y arriverons! Excellente marche des femmes!
Comments are closed.